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Bref, j'ai créé une influenceuse IA
Lil Miquela et Aitana Lopez n'existent pas mais gagnent des fortunes : nous dévoilons les secrets de fabrication de ces stars virtuelles. Grâce aux nouveaux outils d'intelligence artificielle, il est désormais possible de créer en quelques minutes une star influente des réseaux sociaux.
Bonjour !
Pourquoi s’embêter avec une agence de mannequins alors que tu peux avoir le même succès et gagner de l’argent avec des mannequins qui n’existent pas ? Soyons pragmatiques, veux-tu : les mannequins humains cumulent plusieurs gros défauts : ils peuvent être impliqués dans des scandales, ils veulent être payés, ils prennent parfois de la drogue, du coup ils ont des hauts et des bas. Et, surtout… ils dorment la nuit ! Non mais, sérieusement, à l’heure de l’intelligence artificielle, tout ça est tellement dépassé.
Dans le monde du marketing et de la pub, une nouvelle tendance est née : les influenceurs virtuels. Ils (enfin surtout elles) ont été générés par des technologies d’IA, collaborent avec des marques de luxe, et peuvent fédérer des centaines de milliers voire des millions de fans.
L’une de ses plus célèbres représentantes, Lil Miquela (2,6 millions d’abonnés), a été classée en 2018 dans le top 25 des influenceurs par le magazine Time. Commentaire de l’intéressée : “J’ai pleuré, j’étais enfin reconnue comme une PERSONNE”. Alors non pas vraiment, mais tout ça est tout de même assez fascinant, comme dirait ChatGPT.
La dernière en date, créée en 2023, a fait pas mal de buzz ces dernières semaines. Elle est espagnole, elle s’appelle Aitana López et, comme Lil Miquela, elle n’existe pas.
Aitana (AI comme Artificial Intelligence) a été inventée par l’agence “The Clueless”. L’agence est dirigée par des hommes, et ça se voit. Leur créature a été conçue selon des clichés sexistes pour plaire aux hommes. Ce qui explique ses proportions avantageuses et ses tenues très… ouvertes. Elle cumule 253000 abonnés sur Instagram. Et gagne 10.000€ par mois, affirment ses créateurs. Mais surtout parce qu’elle vend ses photos sur la plateforme érotique '“FanVue”.
Tout cela pose évidemment plein de questions : éthiques, par exemple. Mais aussi sur leur succès. Pourquoi sont-elles préférées aux humains par leurs fans ? Peut-être parce que leurs homologues humains sont tout aussi artificiels ? Ou parce que sur les réseaux sociaux, peu importe que ce que tu fais soit vrai ou pas ? Et pourquoi surtout des filles ? Je te laisse méditer tout ça.
Alors aujourd’hui, je vais te proposer un petit atelier amusant. On va fabriquer une influenceuse IA ensemble. Ça t’aidera à démystifier le phénomène. Et tu vas voir que ça prend… quelques minutes.
Oui, parce que depuis l’époque de la première influenceuse virtuelle, Kokyo Date (1996 tout de même), qui demandait pas mal d’investissement en création 3D, l’arrivée des IA génératives d’images en 2022 a rendu ce marché beaucoup plus accessible.
Mais comme tu vas le découvrir, s’il n’est pas très compliqué de créer un personnage virtuel, il est plus difficile de le rendre célèbre… Ce que tu vas donc apprendre, c’est comment sont fabriquées ces nouvelles stars, et ce que ça nous dit du monde qui vient.
Tout d’abord, quoi qu’en disent certains médias qui s’emballent parfois un peu vite, ces influenceuses ne sont pas des IA. Ce sont des images fabriquées avec l’IA. Tout le reste, c’est du marketing. Je vais te montrer.
L’agence à l’origine d’Aitana Lopez se garde bien de donner sa recette. Mais il n’est pas bien compliqué de deviner les technologies qu’elle utilise. La première hypothèse c’est que, vu le caractère très olé-olé des photos de leur mannequin, le seul outil d’IA qui permet d’aller aussi loin est un modèle open-source qui s’appelle Stable Diffusion (open-source ça veut dire un logiciel dont le code source est accessible et modifiable par le public).
Pour être franc, je ne connaissais pas bien Stable Diffusion. Mais en m’immergeant dans sa communauté, j’ai découvert un monde foisonnant d’artistes IA aux usages très poussés et complexes. Ceux qui prétendent que l’IA générative est un truc de paresseux ne se sont jamais vraiment intéressés au sujet.
C’est pourtant dans ces laboratoires un peu underground que se fabrique ce qui sera demain la norme pour le grand public.
Mon problème était le suivant : comment recréer à chaque fois le même personnage, dans des situations différentes ? Si tu connais un peu les outils de génération d’image, tu sais sans doute que l’IA (qui est un logiciel probabiliste et aléatoire) est capable de créer des portraits très photoréalistes, mais qu’elle ne sait pas reproduire la même chose deux fois.
Il existe quelques astuces pour tricher, j’en ai expliqué une ici avec l’outil Dall-E 3, en re-injectant dans le logiciel ce qu’on appelle la “graine” de l’image créée préalablement (“seed” en anglais). Le problème, c’est que ça reste très limité en terme de variations. C’est là que l’intelligence collective de la communauté Stable Diffusion intervient.
Personnage unique créé par moi avec Dall-E 3 (dans ChatGPT)
Comme Stable Diffusion est open-source, des milliers de chercheurs et développeurs proposent régulièrement des outils ou des techniques qui s’interfacent avec le logiciel pour mieux guider l’IA dans sa création.
L’une de ces techniques s’appelle le “LoRA”. Voilà, tu as appris un nouveau mot !
Pour te la faire courte, le LoRA (en anglais “Low-Rank Adaptations” c’est à dire “adaptation de rang-faible”) est une manière de régler un logiciel d’IA de manière efficace, peu coûteuse et souvent avec un besoin réduit en données d'entraînement. Cette technique a été inventée en 2021, à l’origine pour les IA génératives de texte.
Pour Stable Diffusion, l’idée est de faire apprendre à l’IA un nouveau style ou un nouveau personnage, sans avoir à ré-entrainer le modèle entièrement. C’est une sorte de surcouche, si tu veux, qui permet d’entrainer l’IA sur une tâche spécifique. On lui fait digérer quelques images (une vingtaine suffit) avec une description détaillée pour chacune. Il suffit ensuite d’insérer la référence au LoRA dans ton “prompt” (ton instruction).
Par exemple, si ton LoRA s’appelle “gerard” :
Portrait of a young man, <lora:gerard:1> gerard, hazel eyes
Le “:1” correspond au poids que tu veux donner à ton LoRA dans la génération de l’image (entre 0 et 1).
L’IA est alors capable de s’adapter pour générer le même personnage (notre ami “gerard”) ou le même style d’image. Si tu es un illustrateur ou illustratrice par exemple, tu peux par exemple créer un LoRA avec tes dessins pour que l’IA imite ton style. Ou lui envoyer 20 photos de toi pour qu’il invente des images… de toi. Tu peux aussi combiner plusieurs LoRAs (une pose, un style, un personnage etc).
Évidemment, la plupart des utilisateurs se sont jetés sur l’opportunité pour créer des LoRA pornographiques. Tu peux désormais trouver plein de LoRA pour générer des photos érotiques de tes célébrités préférées. Ah la la, ces humains…
La page des LoRAs les plus “téléchargés” sur le site CivitAI. 50% des premiers résultats sont érotiques.
Jouer avec ces outils est assez compliqué. Mais il existe des parades. Pour créer ou utiliser des LoRAs, j’ai utilisé deux plateformes. La première s’appelle “Civit AI”, une plateforme communautaire très populaire où chacun crée et partage ses modèles. La seconde s’appelle RunDiffusion, un site où tu peux utiliser toutes les versions de Stable Diffusion, ainsi que la plupart des techniques comme les LoRAs, de façon très intuitive, et sans avoir à installer tout ce joyeux bordel sur ton ordinateur.
Le problème, c’est que pour créer ton LoRA, il te faut une vingtaine d’images différentes du même personnage. Donc difficile à produire si le personnage n’existe pas. J’ai donc créé mon LoRA avec les photos de mon amie, qui s’est beaucoup amusée en découvrant sa version virtuelle.
Bon, j’avais encore des progrès à faire, mais j’étais sur la bonne voie. Il m’a fallu une journée entière pour comprendre comment ça marche et pour avoir un premier résultat correct.
Je me suis alors demandé si je ne pouvais pas trouver une méthode moins laborieuse que tu puisses essayer en quelques secondes pour te faire une idée.
Et je suis tombé sur cette double technique. La seconde m’a beaucoup amusé !
Je suis donc allé sur Midjourney. C’est aujourd’hui l’outil d’IA générative d’images le plus puissant et le plus réaliste du moment, à condition d’utiliser la version 6.
La clé, c’est de générer un visage avec quelques détails très reconnaissables. Pour Aitana Lopez, c’était facile : gros sourcils et cheveux roses. Comme ça, même si les versions varient un peu, l’oeil est attiré par ces marqueurs et ne remarque pas les détails…
J’ai donc généré l’image d’une femme mannequin avec ce prompt (“instruction”) :
Ensuite, avec un clic droit j’ai récupéré le lien de l’image.
Il m’a suffit alors de copier-coller ce lien dans mon second prompt, avec des instructions assez proches, pour générer des photos de mon personnage dans plusieurs poses et situations.
Après avoir obtenu une dizaine de photos, il était temps de lui créer un compte Instagram. Tu peux le voir ici.
Problème, il me fallait des textes, hum, “inspirants” pour accompagner les photos.
Alors j’ai créé un petit agent GPT sur ChatGPT (si tu ne sais pas ce qu’est un GPT j’en parle ici). Je lui envoie tout simplement la photo de mon influenceuse, il l’analyse et génère en 5 secondes un post Instagram rempli de réflexions à la Taylor Swift sur le développement personnel. Si tu veux jouer avec mon GPT, tu peux aller ici (il te faut la version payante de ChatGPT).
Bon. J’étais super fier. J’ai donc montré le compte à mon colocataire à Bali. Il est consultant en marketing. Il m’a dit : “Wow super, maintenant tu vas faire des reels bien sûr”… Ah…
Le “reel”, si tu connais pas, c’est une vidéo courte sur Instagram. “Indispensable si tu veux percer !” Ok Patrick…
Sauf que je ne savais faire que des images qui bougent pas, moi… J’ai donc un peu cherché et je suis tombé sur Pika. C’est l’une des plateformes d’IA en vogue pour générer des vidéos. J’ai téléchargé mes images qui bougeaient pas, et l’IA de Pika les a fait… bouger.
Le problème c’est que les IA génératives de vidéo en sont encore à leurs balbutiements et génèrent des clips de, hum, 3 secondes. Mais j’ai pu coller mes trois images qui bougent à la suite et voilà, j’avais mon “reel”. Tu peux cliquer sur l’image ci-dessous pour découvrir la vidéo.
Avec ça j’étais paré pour devenir le roi du monde des influenceurs IA et gagner plein d’argent.
Sauf que ce n’est pas si simple. D’abord parce que si tu connais un peu Instagram, il faut quand même un peu plus que des images synthétiques pour générer de l’adhésion. Il faut une stratégie marketing, une histoire… Et ça, c’est encore un autre chantier.
Ce qui est très curieux, en revanche c’est que sur les 28 abonnés que mon influenceuse a gagné en une semaine, il y a pas mal de comptes virtuels de filles… générées par l’IA elles-aussi.
Et là je me suis dit : si ça se trouve, dans quelques années, il n’y aura plus que des robots sur les médias sociaux.
Voilà ! J’espère que tu as appris quelque chose et que ça t’a fait réfléchir !
Et là, tu vas me demander : “mais c’est quoi la seconde technique surprenante dont tu parlais plus haut ?” Alors c’est une méthode alternative qui te permet d’aller encore plus vite. Et, surtout, d’apporter plus de variété dans les photos (avec la première méthode, les poses du personnage se ressemblent un peu…). Le tout en deux clics seulement.
Cette méthode s’inspire de ce qu’on appelle les “deepfake” (les fausses vidéos de personnalités générées par l’IA). On appelle ça le “faceswap”, littérarement “l’échange de visage”. Il y a pas mal de sites qui proposent ça (comme FaceTune par exemple), mais c’est rarement convainquant. Mais il y a un petit outil très performant qui te permet de combiner tes images Midjourney avec n’importe quel visage, et que tu peux utiliser via la plateforme Discord (qui est celle sur laquelle tu trouves aussi Midjourney). L’outil est gratuit et s’appelle InsightFace.
Et si tu as envie d’essayer par toi-même tout ce que je viens de te raconter, j’ai réalisé un tutoriel complet sur YouTube (ma première vidéo, youhou…).
Tu vas me dire : “mais c’est un peu effrayant tout ça !” Oui. Mais que l’on soit pour ou contre ces tendances, je pense qu’il faut apprendre à utiliser ces technologies pour comprendre comment ça marche. Ça t’aidera aussi à ne pas te faire avoir !
Stooooooop !
Je sais ce que tu vas ajouter : mais pourquoi il n’y a que des filles ?
Parce que le marché des influenceurs IA est écrasé par les avatars filles. Ce n’est pas anodin. Ça nous donne aussi une idée de la nature de ce nouveau business.
On construit cette lettre ensemble !
Si tu es un ou une habitué(e) de Génération IA, tu sais que cette lettre évolue grâce à tes commentaires.
Lors de la dernière édition, vous avez voté de façon très positive. C’était pourtant une lettre plus promotionnelle que les autres…
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Dans la dernière lettre, j’annonçais le lancement de notre nouvelle formation ChatGPT, consacrée à la version gratuite. Un kit de démarrage simple et concret pour apprendre ou reprendre les bases du phénomène qui a bousculé l’année 2023.
Mais je lis toujours les commentaires critiques. Même s’ils ne font pas plaisir, ils font réfléchir.
Par exemple “Nahtm” m’a écrit :
“Ça me fait l'impression d'une page d'atterissage web des années 2000 où le texte était écrit pour rendre captif le lecteur, le tenir en haleine en vue de le brainwasher pour le convaincre au final qu'il allait acheter un truc extraordinaire qui allait changer sa vie.”
Alors ce n’était pas l’objectif (je veux dire “brainwasher” ton cerveau) mais l’idée était bien sûr de faire connaître la formation. En fait, je suis très fier de ce travail, je le trouve utile et j’y prends énormément de plaisir. Et quand tu travailles des jours entiers sur un truc, tu as envie de le partager et que ça marche. Mais j’entends la critique. Je ferai plus attention.
Tiens, d’ailleurs, haha, puisqu’on en parle, je te propose une nouvelle réduction de 30% sur ce kit de démarrage. Il y a 10 coupons disponibles.
Clique ici pour découvrir la formation et voir la première vidéo !
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Merci de nous avoir consacré un peu de ton temps. Je te souhaite une très belle année 2024 !
🍀 Benoît, Thomas et FlintGPT.